Témoignages sur Maître Masamichi Noro et le Kinomichi

2019 – 40 ANS DU KINOMICHI
Partie 1 – Discours d’ouverture – Maison du Japon à Paris
Partie 2 – Cours et démonstration de Takeharu Noro soke
Partie 3 – Discours et cours de Tada Hiroshi shihan
Partie 4 – Cours de Asai Katsuaki shihan
Partie 5 – Témoignages Aikido – Noro sensei
Partie 6 – Témoignages Kinomichi – Noro sensei < LECTURE EN COURS

Maître Noro Kinomichi

Maître Noro Masamichi, fondateur du Kinomichi à Paris

Témoignages Masamichi Noro Kinomichi publiés en 2019 pour les 40 ans du Kinomichi

Les témoignages Noro Kinomichi, du livret distribué aux 500 convives de la MCJP – Maison de la Culture du Japon à Paris – le 1er avril 2019 regroupent des expériences, anecdotes et échanges autour de Maître Noro Masamichi et son processus dans la transmission du Kinomichi. Les paroles et souvenirs de Gisèle de Noiret et du Père Jacques Breton furent intégrés au recueil. Pionniers du Kinomichi et décédés peu après Maître Noro, ils prirent un soin particulier à partager leur expérience.

Maître Noro en contact - uke: Céline Gauthier

Odyle Noro-Tavel, épouse professionnelle de Maître Noro, instructrice depuis 1969

Je suivais le cours de Lily Erhenfried (fondatrice de la Gymnastique holistique) rue Froidevaux depuis quelques temps quand elle s’est approchée de moi et m’a dit : « Vous êtes bien la femme de Maître Noro ? Vous lui direz que je veux le voir ! » Elle avait environ 84 ans. Maître Noro me voyait répéter, le soir, des exercices de Lily Ehrenfried pendant qu’il regardait sa sacro-sainte télé. Il a donc accepté facilement de prendre rendez-vous avec elle et ce fut une sorte de coup de foudre. Au bout de deux heures d’entretien, il a annulé ses cours particuliers prévus ce jour-là au Dojo pour finir l’après-midi auprès d’elle. Il lui a tout donné et elle lui a tout donné.

Elle a accepté de venir enseigner sa méthode, chaque semaine, pendant plusieurs années rue des Petits Hôtels puis au dojo de la Rotonde.

Un soir, tardivement, nous sortions du dojo de la rue des Petits Hôtels quand, freinant brutalement à un feu rouge, il déclame, « Ki-no-mi-chi : qu’est-ce que tu penses ? » Je me souviens parfaitement de cet instant. Michi, notre quatrième enfant, encore bébé siégeait à l’arrière de la voiture et je l’ai regardée avant de répéter « Ki-no-mi-chi » et de lui demander ce que cela signifiait. Pour moi, il y a vraiment eu un arrêt sur images, l’apparition d’une coupure, d’un avant et d’un après. « Ki l’énergie, no la préposition, michi la voie, le chemin. »

Je savais dès cet instant, pour avoir déjà suffisamment côtoyé ce monde des arts martiaux à ses côtés, que cela serait très difficile. A cette époque, les nouveaux inscrits cherchaient à pratiquer l’Aïkido de Maître Noro et à la réception du Dojo, il fut insupportable d’essayer d’expliquer les raisons de ce changement ! Ce fut réellement très difficile. En voulant créer sa méthode, Maître Noro allait perdre beaucoup d’élèves, beaucoup d’énergie. Ça faisait peur mais c’était inéluctable : on n’empêchait pas Maître Noro de réaliser ce qu’il avait décidé. Il avait choisi le schéma le plus difficile mais c’était sa voie, j’avais une immense confiance en ce qu’il faisait même si j’avais l’intuition que ce serait dantesque.

Stage d’été, pratique en plein air
Noro sensei, Satchie Noro et Odyle Noro-Tavel

Sabine Pfeffer, pionnière de la méthode Feldenkrais

En 1985, ma mère Myriam Pfeffer et moi, avons rencontré Maître Masamichi Noro, au dojo de la rue de Logelbach. Ma mère avait consacré sa vie à faire connaître en France et dans le monde la méthode de Moshé Feldenkrais, et c’est dans ce dojo que nous nous sommes établies.

Odyle Noro-Tavel nous fît un accueil si chaleureux que je ne l’ai pas oublié. Nous eûmes alors l’occasion d’échanger un peu sur nos pratiques et nos enseignements, et je garde en mémoire la façon chaleureuse dont Maître Masamichi Noro est venu nous raconter comment sa pratique avait évolué, en mariant ses connaissances des traditions de l’Extrême – Orient et de l’Occident.  Il soulignait notamment, pour la pratique du Kinomichi, l’importance de l’affinement de l’aptitude à sentir. Et je me souviens combien j’étais émue par l’intensité de sa présence.

Myriam Pfeffer et Moshe Feldenkrais

Georges Lamarque shihan, instructeur doyen du Kinomichi

Le talon s’est soulevé mais ce changement est trop évident. A partir de ce moment, il y avait une prise en compte de tout le corps, des talons à la nuque. Tout le reste devait être souple et sans crispation. Surtout pas de raideurs ! Nous recherchions des étirements illimités du corps vers l’avant et vers le ciel, des positions globales du corps, ouvertes vers l’infini.

Georges Lamarque shihan à l’Abbaye de l’Arbresle

Raymond Murcia shihan, judoka depuis 1947, pionnier du Kinomichi et de l’Eutonie (témoignage au décès de Maître Noro en 2013)

Il a tout intégré grâce à la pratique du Kinomichi. Beaucoup sont partis, certains sont revenus, et d’autres n’ont jamais intégré et digéré ce travail dans lequel s’engageait Maître Noro. C’est ceux-là qui feront mal sur le tatami. Beaucoup ont suivi Maître Noro car il était comme leur idole de l’Aikido. Alors les apports n’ont pas été admis car ils n’ont pas fait personnellement cette rupture qu’à fait Maître Noro.

Bien sûr, lorsqu’on le connaissait, on ne pouvait que le suivre. Il était un modèle du monde martial et de sa tradition. Mais peu ont compris qu’il y avait une dialectique entre Maître Noro créant le Kinomichi, le Kinomichi se créant et créant Maître Noro. C’est une suite comme je les appelle en Eutonie de transformations silencieuses. Il n’y a jamais de coup d’éclats, du type de l’homme qui arrive un beau matin et disant que maintenant ce serait comme ça.

Tout s’est passé petit à petit. Le sexy, la spirale, le sourire, ce qui a été pour lui des fondamentaux qui pour lui prenaient corps. Il y avait le contact, le contact à distance, la présence, l’ouverture et le cœur.

Raymond Murcia, en fond l’affiche de la démonstration salle Pleyel  » Kinomichi, anti art martial »

Nguyen Thanh Thien, disciple de Noro Masamichi sensei, fondateur de l’Aikido Ringenkai

Noro sensei a créé le couple manières-formes, dont chaque face exprime respectivement l’intériorité et l’extériorité, l’invisible et le visible. La tension entre ces deux pôles maintient une création continue. Elle fonde le rituel tel que le conçoit l’Extrême-Orient. 

Iaido dans le jardin du Dojo de la Fontaine à Paris - Kinomichi - Noro sensei

Robert Lediraison, disciple depuis 1975

« Un jour, lors d’une réception le Shogun Tokugawa, reçut en cadeau un tigre. Devant ses invités il demanda à son maître d’armes d’entrer dans la cage. Celui-ci, ne pouvant refuser ce défi, ouvrit la cage, ses yeux fixés sur le félin, et son sabre à demi sorti. Le tigre sentit le danger, recula et se réfugia dans un coin de sa cage. Le moine Takuan qui se trouvait là, voulut relever le défi. A l’entrée de la cage, il cracha dans sa main et avança d’un pas léger, en totale confiance, sa main tendue vers le tigre comme pour lui présenter une offrande. Celui-ci, surpris et décontenancé, recula jusqu’au fond de sa cage. Voilà, c’est cette voie là que j’ai choisie ! » s’exclama Maître Noro. « Exprimez Joie ! », « Sourire ! » et « Montrez dents ! » Par ces exclamations, Maître Noro a donné une marque singulière à la pratique du Kinomichi.

Maître Noro Masamichi - Fondateur du Kinomichi

Hubert Nègre, disciple depuis 1972

« Energie traverse le mur », disait-il. Il s’agissait de projeter l’énergie vers l’infini. Je l’entends aussi parler de son intention que le Kinomichi fasse le tour de la terre, comme l’Aïkido, parti d’une poignée de disciples au dojo de Maître Ueshiba qui s’est répandu tout autour du globe. Se faire du bien et faire du bien à ce pratiquant inconnu à chaque fois que nous changeons de partenaire. Grâce à la création de Maître Noro, le dojo est un lieu où, loin des solitudes existentielles de la vie moderne, la rencontre est possible.

Maître Noro Masamichi Kinomichi

Maître Noro en contact, uke: Marie Chiron

Dr Francis Rouam, disciple depuis 1983

Maître Noro affublait la plupart des pratiquants de surnoms: Picotin, Ma, Concurrente, Noro couché, Grosse poitrine, mon Médecin, Madame Pied, Madame Ikebana, Financier, Polytechnique, Philosophe, Vieillard, Vieux Garçon, Bon fonctionnaire, Tricheur, mon Nul, Monsieur Blanc, Air France, Vénérable, Roi du rock, Grande Aiguille (votre serviteur), etc. Au dojo, l’intimité était non seulement collective, mais également individualisée.

Maître Noro, qui connaissait des centaines et des centaines de techniques attendait que nos mouvements se réalisent hors de tout savoir constitués, presque en quasi improvisation. Il testait notre aisance à laisser le corps se mouvoir spontanément selon la logique Terre-Ciel, en laissant se créer et s’ouvrir l’espace avec musicalité. Pour lui, la fascination par la technique était de l’ordre de l’illusion, et il ne cessait de répéter à l’envie que le plus grand danger dans la pratique était l’illusion.

Il donnait fort peu d’explications théoriques, et ses indications pratiques se résumaient à quelques formules princeps: espace, ouverture, accueil, spirale, Terre à Ciel, ou ses fameux 5 S. Lorsqu’il tentait, au début, de définir un peu formellement la différence entre l’Aikido et le Kinomichi, il disait volontiers que dans le premier cas le Ki émanait du hara, alors que dans le Kinomichi, c’était un mouvement de la Terre vers le Ciel.

Hubert Nègre, Robert Lediraison et Francis Rouam au Korindo Dojo

Maria Foucras, disciple depuis 1975, doyenne du Korindo dojo

E S P A C E était un conseil fréquent pendant les cours. Je me souviens que l’on entendait : «  trop de bras », « trop dur », « geste pas juste », «tout le corps », « cassez pas », « changez de partenaire », « répéter, répéter, répéter » le tout ponctué bien sûr de « sexy » et de « sourire »

Maria Foucras et Takeharu Noro soke, « espace » aux 40 ans du Kinomichi

Père Jacques Breton, prêtre catholique, pratiquant zen, disciple de Graf. Durkheim, instructeur de Kinomichi, fondateur du Centre Assise (témoignage en 2014)

J’ai été présent au cheminement de Maître Noro, et particulièrement au passage de l’Aikido au Kinomichi. Quand je rentrai de l’entrainement en Aikido avec Maître Noro j’avais toujours le dos cassé. Alors je me disais « Continue », et à chaque fois je revenais et mon dos continuait à en souffrir. Lorsque Maître Noro a fait évoluer sa pratique, la douleur s’est estompée et j’ai découvert à quel point auparavant nous pouvions être prisonniers de la technique. 

Maître Noro a complètement transformé l’approche. Nous ne sommes plus au service de la technique mais c’est la technique elle-même qui se met à notre service pour nous aider à nous construire, à nous développer pour progressivement devenir ce que nous sommes.

La pratique Kinomichi est un chemin. Un chemin de libération et de justesse. L’engagement de tout son être dans le geste pour être petit à petit présent à soi-même. Je vois toujours cette image de Maître Noro qui nous regardait d’une mine grimaçante comme pour dire que le geste n’allait pas. L’ego nous faisait dire que pourtant là, c’était juste. Mais il disait « Non, non. » car il sentait bien qu’au fond, c’était encore la technique qui agissait.

Père Jacques Breton, roshi Eizan Goto, maître Masamichi Noro au Centre Assise de St Gervais

Sylvette Douche, secrétaire 25 ans de la Fédération Française d’Aikido Aikibudo et Affinitaires FFAAA

« Je garde au fond de moi le souvenir d’une soirée au Paradis Latin où, sur scène, ce jour-là, avec ses mimiques, ses grimaces et sans prononcer un seul mot, toute une salle hilare a ovationné, non pas une légende de l’Aïkido, mais un homme qui, sans peur du ridicule, tel Charlie Chaplin, a pu voler  la vedette à l’artiste qui l’avait choisi parmi les spectateurs pour son sketch. Quelle pince sans rire ! Mais aussi quelle humilité, cette autodérision, cette façon bien à lui, avec ses yeux pétillants de malice, de ne pas se prendre au sérieux ! Mais quelle leçon aussi ! »

Maître Masamichi Noro, Christian Tissier shihan et le troisième Doshu d’Aikido Moriteru Ueshiba
2004 au Paradis Latin

2019 – 40 ANS DU KINOMICHI
Partie 1 – Discours d’ouverture – Maison du Japon à Paris
Partie 2 – Cours et démonstration de Takeharu Noro soke
Partie 3 – Discours et cours de Tada Hiroshi shihan
Partie 4 – Cours de Asai Katsuaki shihan
Partie 5 – Témoignages Aikido – Noro sensei
Partie 6 – Témoignages Kinomichi – Noro sensei < LECTURE EN COURS

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