MAÎTRE NORO – L’esprit de la Voie (1/5) – La rencontre avec Osensei

Interview de maître Noro en 1999 par Luc Boussard pour le Centre International Noro Kinomichi
Révisé par KINOMICHI.INFO

Luc Boussard: Maître Noro, pouvez-vous nous parler de vos relations avec 0’sensei, Morihei Ueshiba, fondateur de l’Aikido ?

Cela remonte à longtemps et beaucoup souvenirs surgissent en moi. Je vais faire de mon mieux pour vous répondre.
J’ai rencontré Osensei à l’époque où je commençais des études de médecine à Tokyo. Je suis entré à l’Université pour faire plaisir à mon père. Je n’y faisais pas grand-chose sur le plan physique. J’étais concentré sur le travail intellectuel et pratiquais le judo, comme beaucoup d’étudiants. Peu à peu, la pratique des arts martiaux a commencé à beaucoup m’intéresser.

Masamichi Noro vers 1955

J’ai rencontré Osensei en 1955. J’ai tout de suite été très attiré par sa personnalité et sa technique. Ce fut comme un coup de foudre. Je souhaitais pratiquer à ses côtés. C’est ainsi que je suis entré à l’Aikikai. Je ne souhaitais pas seulement avoir une pratique amateur, je devais engager ma vie, devenir uchideshi (pratiquant à demeure). Uchideshi signifie traditionnellement de rester à côté du fondateur. En commençant l’Aikido, je me suis désintéressé des études de médecine que j’ai finalement arrêtées pour consacrer tout mon temps à l’Aikido. J’étais passionné par cet exercice du corps.

Osensei Morihei Ueshiba, Fondateur de l’Aikido

À l’époque, en 1955, le monde de l’Aikido était confidentiel. Peu de monde pratiquait l’Aikido. Le Hombu Dojo, dojo central de l’Aikido était déjà situé à Shinjuku, dans le quartier de Wakamatsu. Nous étions cinq uchideshi à y vivre: Arikawa, Tamura, Okumura et une femme nommé Mlle Sunadomari, qui était maître de naginata, son frère était responsable de l’Aikido à Kyushu. Enfin il y avait le fils du fondateur, Kisshomaru Ueshiba.
Kisshomaru Ueshiba travaillait dans une société cotée en bourse appelée Osaka Sho Ken. Il avait deux enfants et il n’était pas encore possible de faire vivre sa famille avec l’Aikido. Comme il travaillait la journée, il ne donnait seulement qu’un cours le matin entre 6h30 et 7h30 et un cours le soir entre 18h et 19h. Tous les autres cours étaient donnés par d’autre instructeurs qui étaient les anciens élèves du Dojo : Osawa, Okumura et d’autres.


0’sensei donnait-il beaucoup de cours ?

Non. Il était le plus souvent à Iwama, une ville à une centaine de kilomètres de Tokyo, si bien qu’il devait tout le temps voyager. De temps à autres, il se déplaçait à Osaka et Shingu où il y avait d’autres dojos d’Aikido. Lorsqu’il était à Tokyo, il donnait les cours tous les matins.
Après ce cours du matin, je me souviens que nous étions trois, avec son fils et Tamura , à travailler la technique. Nous recherchions. Osensei avait pris l’habitude de nous observer de l’extérieur et intervenait souvent : « Non ce n’est pas ça, ce n’est comme cela qu’il faut faire ». Nous étions très étonnés de ses connaissances. A cette époque, nous formions tous les trois un noyau et avons ensemble nous avons participé au perfectionnement de l’Aikido. Cette époque a été celle de la création de beaucoup de techniques.

2ème Doshu Kisshomaru Ueshiba et Noro sensei uke

L’enseignement d’Osensei était-il très technique ?

Non, sa technique était très libre. Il avait étudié le Daitoryu, une quarantaine de techniques tout au plus. Nous vivons aujourd’hui dans un temps où beaucoup de techniques peuvent être étudiées : si le partenaire arrive d’une telle façon, alors on peut réagir comme ceci ou comme cela. À cette époque, nous commencions à perfectionner la base de l’Aikido d’aujourd’hui. Certes, maître Ueshiba lui-même fut un grand maître. Il était le créateur de l’Aikido, mais c’est son fils qui l’a codifié. Sans lui, l’Aikido d’aujourd’hui n’existerait pas. Le fondateur était un chercheur. Il utilisait les techniques au service de sa recherche spirituelle. Il n’avait de cesse de nourrir le lien avec Dieu. C’est à ce chemin qu’il a consacré sa vie. Une voie entre Dieu et soi-même. L’étude des arts martiaux était l’instrument qui l’accompagnerait pour développer et perfectionner sa spiritualité. Pour le fondateur les techniques étaient un outil. Et en quelques sorte, à ses côtés, nous l’aidions dans ses expérimentations pour perfectionner sa pensée de l’Aikido.

Suite de l’article

PARTAGER L’ARTICLE SUR LES RESEAUX SOCIAUX

L’ESPRIT DE LA VOIE
PARTIE 1 – La rencontre avec Osensei < LECTURE EN COURS
PARTIE 2 – La vie auprès d’Osensei
PARTIE 3 – La propagation de l’Aikido
PARTIE 4 – La filiation
PARTIE 5 – L’engagement du Maître