Manou Armengaud: Quand on voit un entraînement de Ki No Michi, on ne peut que remarquer une certaine ressemblance avec l’Aïkido.
En apparence seulement dans la forme, comment est-il possible de changer shiho nage ? L’amour doit être présent dans l’exercice, le contact, l’attention au partenaire, l’ouverture.
Vous insistez sur la perfection du geste. Cette perfection a-t-elle un rapport avec la notion de Ki ?
Le Ki est tout. Michi c’est le tao le tao du Ki. Bien des gens pensant que la perfection est un mécanisme, une perfection de mouvement Je répète tout le temps : « ciel, terre, homme ». Je parle souvent aussi de l’énergie qui y circule, de l’union de l’homme avec les éléments. La technique aide à cette union. Quand le mouvement allie le corps et l’esprit alors oui, c’est le mouvement parfait. Il faut dépasser le simple stade de l’autodéfense.
Dans la préface du livre de Daniel Roumanoff. La pratique du Ki No Michi avec Maitre Noro, vous parlez de votre point d’ancrage et dites à ce propos : « Une saveur d’éternité, de silence, hors du temps, au-delà du mental, qui m’a fait dire par deux fois déjà en 1966 et en 1976 : Ah, c’est ça ! ». Pouvez-vous nous parler de ces deux instants ?
Ce sont des moments impossibles à expliquer, des instants particuliers de mon évolution. Maître Ueshiba a également ressenti ce « c’est ça !», deux ou trois fois. Quand je lui ai demandé de me raconter ses expériences, il ne m’a pas répondu. Maintenant je comprends qu’il est impossible de répondre à une telle question.
Dans ce même livre, vous dites encore : Les grandes décisions de ma vie ont été très spontanées. Il s’agit de sentir et non de comparer. Pensez-vous que cette spontanéité peut s’appliquer dans la vie quotidienne ?
Essayer de rendre le miroir propre, tout le temps. Nettoyer, ne jamais arrêter : arrêter c’est mourir. Il faut évoluer. À chaque instant, il faut nettoyer et regarder. Ai-je bien répondu ?
Parfaitement ! (Rires) Avez-vous envie de parler de la spirale dans votre travail ?
La spirale c’est tout. Du plus petit au plus grand, de l’atome à l’univers. Lors d’une réception, j’ai rencontré l’astrophysicien Hubert Reeves. Il est venu me demander : Qu’est-ce que la spirale, pour vous ? Je lui répondu : « Tout est spirale, vous le savez bien ». Tout progrès, toute évolution vient d’une spirale. Et je l’utilise.
Vous dites souvent dans votre enseignement qu’il est important de développer le Ki mais aussi le cœur. Quel est le sens de ce cœur selon vous ?
Au-delà du Ki No Michi, j’aimerais créer le Kishindo, l’énergie du cœur. Ce sera la deuxième étape. Nous chercherons ce qu’est le cœur. Le monde entier parle du cœur mais personne ne sait répondre. Difficile de répondre intellectuellement à cette question.
Le sourire tient une place importante dans votre pratique. Pourquoi ?
Le sourire est le propre de l’homme, son trésor. Regardez le sourire de Mona Lisa. Tous les Japonais rêvent de le voir un jour. Je demande toujours aux pratiquants d’avoir le sourire, tous les jours. Prendre contact avec le sourire.
Pour terminer, auriez-vous un message à donner à nos lecteurs ?
Une autre question difficile. Je ne suis pas encore arrivé au niveau de Maitre Ueshiba, mais j’ai envie d’y arriver. Je suis très égoïste. C’était un homme extraordinaire, quel dommage que vous ne l’ayez pas connu. Dans mes rencontres j’ai eu beaucoup de chance. Mon père, Maître Ueshiba et Durkheim ont vraiment compté pour moi.
NDLR : Karl Durkheim, psychothérapeute et pratiquant de Zen, directeur d’un centre de formation et de rencontre de psychologie essentielle, en Forêt-Noire et auteur d’une quinzaine d’ouvrages, dont Hara, Centre vital de l’homme, Pratique de la voie intérieure, et Le Don de grâce.
Au début des années 70, j’ai rejoint Durkheim au château d’Ambazac et j’ai passé une semaine avec lui. Je cuisinais. Après les repas, il tenait à faire la vaisselle. A présent je fais la vaisselle à la maison. Si je ne la fais pas, ça ne va pas : Durkheim n’est plus là Avec Maitre Ueshiba je vivais aussi 24h sur 24.
J’ai envie de vous communiquer de ne transmettre que les choses bonnes pour l’Aikido. Surtout ne donnez pas suite aux querelles. L’Aïkido mérite mieux que ça, il doit s’élever, pas s’abaisser.
Sensei, nous vous remercions grandement pour avoir répondu si patiemment à toutes nos questions. Nous vous souhaitons une excellente santé et beaucoup de bonheur dans votre pratique. Que tous nos vœux vous accompagnent.
Interview de Maître Masamichi Noro au Korindo Dojo par Manou Armengaud, le 11/04/2008, publiée sur Aikidoka.fr
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