MAÎTRE NORO – L’esprit de la Voie (3/5) – La propagation de l’Aikido

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Luc Boussard: Comment avez-vous vu l’Aikido se développé au Japon ?

Le nombre de pratiquants d’aujourd’hui était impensable dans les années 50. Dans les premiers temps, les plus anciens enseignaient. La vie n’était pas facile, je me souviens entre autres de Yamaguchi qui avait été uchideshi à Iwama. Il ne pouvait pas rester à Tokyo, parce qu’il était marié et avait un enfant. Il était courageux de consacrer sa vie à l’Aikido, avec sa vie de famille. Il ne devait pas manger à sa faim tous les jours. Ce serait impensable aujourd’hui de vivre comme cela. Mais il l’a fait. C’était un effort formidable et je veux le saluer.

Démonstration au Hombu Dojo

Avec l’arrivée des étrangers, les médias ont commencé à s’intéresser à l’Aikido. Petit à petit, de plus en plus de gens ont commencé à venir pratiquer. D’abord nous formions un petit noyau. De 5 pratiquants, nous sommes passés à une vingtaine en 1956, puis à peu près 30 en 1957. L’Aikido commençait à grandir. D’autre part, à l’extérieur du Hombu Dojo, d’autres instructeurs comme Yamaguchi, Tada, Arikawa, etc. ont entrepris de monter des sections.

Noro sensei et Kanai sensei uke

En 1956, devant l’afflux des nouveaux pratiquants, il fallut commencer à enseigner. Tout le monde s’y mit. Tamura aussi, dans les environs de Tokyo. Par chance j’étudiais encore un peu. Je ne pouvais enseigner et avais beaucoup de temps à passer aux côtés du fondateur.
Ainsi, un an après mes débuts, je devins uke de maître Ueshiba. A partir de ce moment, je ne le quittai plus. Nous étions devenus très liés car j’étais tout le temps avec lui. Lorsqu’il voyageait, j’étais son « porte bagage » et en même temps, je devais faire uke. C’est ainsi qu’il a commencé à m’éduquer comme avec un fils. Je ne peux pas dire que c’étais comme avec un vrai fils car il en a déjà un, mais c’étais en quelque sorte comme d’un père spirituel à un fils spirituel. Je voyageai avec lui à Iwama et dans ses autres déplacements si bien que je n’allai plus à l’Université.


Quelles sont les raisons qui ont présidé à votre départ du Japon ?

En 1951, Mochizuki était venu en France pour présenter le Judo. Durant son séjour, il avait montré certaines techniques anciennes, d’avant la guerre, liées à l’Aikido. Les judokas de l’époque ayant apprécié cette présentation, un instructeur d’Aikido fut demandé pour l’Europe. C’est ainsi que Tadashi Abe est arrivé en France la même année comme délégué pour l’Europe. En réalité, c’est surtout en France qu’il a résidé. Peu après, Koichi Tohei est parti pour les États-Unis.

Mochizuki Minoru sensei 1953, fondateur du Yoseikan Dojo
Tadashi abe, années 50

En 1956, plus d’une année après mes débuts en Aikido, un Français appelé André Nocquet est arrivé au Japon. C’était le premier étranger venu au Japon qui se dédiait à l’Aikido. Je me souviens de sa joie lorsqu’il est arrivé au Hombu Dojo. Il était élève de Tadashi Abe et venait se perfectionner au Japon. Lorsqu’il est arrivé, O’sensei a dit : « Tamura et Noro, vous allez tous les deux aider cet étranger ». De nombreuses démonstrations étaient organisées. Souvent Tamura et moi faisions partenaires pour Nocquet qui par la suite nous invitait très gentiment au restaurant.

Osensei et André Nocquet uke



C’est en 1960, il me semble, que Tadashi Abe a écrit au Japon pour demander deux instructeurs. Il projetait de fonder une grande organisation à Turin qui était un centre important de l’Aikido en Europe. Tada et moi avons été choisis. Il était difficile d’obtenir des passeports. Cette organisation, qui n’était pas encore fondée, était comme un rêve. Entre temps Tadashi Abe n’a pas pu rester en France. Il est rentré au Japon. Je commençai à me préparer en dépit de ces difficultés et suis arrivé finalement seul, à Marseille le 3 septembre 1961. Tada n’arriva que plus tard en Italie, puis ce fut le tour de Nakazono et Tamura en France, Asai en Allemagne, Chiba en Angleterre.

Interview de maître Noro en 1999 par Luc Boussard pour le Centre International Noro Kinomichi
Révisé par KINOMICHI.INFO

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Suite de l’article

L’ESPRIT DE LA VOIE
PARTIE 1 – La rencontre avec Osensei
PARTIE 2 – La vie auprès d’Osensei
PARTIE 3 – La propagation de l’Aikido < LECTURE EN COURS
PARTIE 4 – La filiation
PARTIE 5 – L’engagement du Maître