A l’occasion des 40 ans de la fondation du Kinomichi, une semaine de célébrations s’est déroulée à Paris du 1er au 7 avril 2019 à Paris. L’évènement a réuni plus de 500 participants au Centre International Noro Kinomichi, à l’Institut National du Judo ainsi qu’à la Maison de la Culture du Japon à Paris. La soirée du samedi 6 avril fut l’occasion de commémorer le décès de Maître Noro Masamichi parti le 15 mars 2013.

Noro Takeharu soke
« A la vue d’un seul mouvement d’Ōsensei, j’ai su que ma vie était là » nous a t’il tant répété. Le chemin de mon père et Maître, Masamichi Noro, est à l’image de sa recherche d’unicité.
« Une vie, un mouvement, un sourire »
Son aventure débute le 1er avril 1955 à l’Aikikai de Tokyo. Elève à demeure uchideshi et accompagnant d’Ōsensei, il pratique 6 années avant d’être missionné en tant que délégué officiel de l’Aikikai pour l’Europe et l’Afrique.
Arrivé le 3 septembre 1961 au port de Marseille, il découvre la France et s’y établit. Dans les années 60, le développement de l’Aikido est spectaculaire. Gravement blessé dans un accident de voiture, il se remet rapidement et contre toute attente. Cette expérience fait évoluer sa pensé et sa recherche. En 1969, il rencontre Odyle, sa future femme, collaboratrice et mère de 6 enfants à Fréjus.
En 1979, il fonde le Kinomichi et dédiera les 33 dernières années de sa vie comme un prolongement de la Voie de son Maître. Voilà aujourd’hui 6 ans qu’un grand homme est parti et son arbre s’égrène dans un nouveau cycle. Maître Noro était un formidable passeur, un charismatique pédagogue armé d’un irrésistible humour. Il savait initier l’ouverture, la rencontre et révéler l’indicible. Il nous a guidés sur la voie du Ki, sur la voie de la rencontre des Cœurs.
Odyle Noro-Tavel
Merci à toutes et à tous d’avoir été présents ce soir autour de Maître Noro et de nos deux trésors vivants : Hiroshi Tada sensei, pionnier de l’Aikido en Italie et de Katsuaki Asai sensei, pionniers de l’Aikido en Allemagne. Nous tenons également à remercier Madame Rumiko Tamura, Madame Claudia Asai Muller, Madame Emiko Hattori, ainsi que Maxime Delhomme, président durant 24 ans de la FFAAA (Fédération française d’Aïkido, d’Aikibudo et Affinitaires) et représentant de la France au congrès de la FIA (Fédération Internationale d’Aïkido). Un grand merci à tous les responsables qui ont consacré leur vie au développement de notre Aïkido et de son art émergeant notre Kinomichi. Merci à Takeharu d’avoir organisé ces 40 ans et ce bel hommage à son père.
Trois êtres extraordinaires entre 1860 et 1883 naquirent au Japon et bouleversèrent le monde des techniques ancestrales des combats nippons. Le premier fut Jigoro Kano, fondateur du Judo, le second fut Gichin Funakoshi, fondateur du Karaté et le troisième fut Morihei Ueshiba, fondateur de l’Aïkido. En 2019, nous sommes des millions à travers le monde à revendiquer leurs créations, à créer des Dojo et à pratiquer sans relâche les techniques du soleil levant. Ces arts de vivre en mouvement vibrent à l’infini entre nous et notre partenaire bienveillant. Elles nous accompagnent dans nos découvertes de spiritualités plurielles et dans le respect de traditions ancestrales.
J’ai rencontré Maître Noro le 15 août 1969 à Fréjus au stage d’été des Senseis Japonais. J’étais judokate et il m’a déclaré : « si tu veux être ma femme, tu abandonnes le judo et fais bien attention ! Les enfants et toi passerez toujours après mon Aïkido ». La famille fut six enfants, la vie professionnelle fut six dojos. Maître Noro aimait Paris, Notre-Dame, la Seine et ses ponts, le chant et la danse, jouer au Pachino et au majong. Il adorait sa mère, aimait vivre en famille, les animaux et jardiner. Il a choisi sa dernière demeure terrestre dans notre beau cimetière montmartrois.
Au Dojo, Maître Noro nous disait inlassablement de caresser les murs, de caresser l’espace, de sourire, plus de spirales dans nos poignets et surtout de pratiquer encore et toujours. Il incarna dans sa posture et sa gestuelle ce que l’on peut lire encore sur la bannière du clan Takeda : FU, RIN, KA, SAN.
FU: Rapide comme le vent
RIN: Calme comme la forêt
KA: Dévorant comme le feu
SAN: Majestueux comme la montagne
Ces derniers mots furent : « Ganbatte ! Ganbatte kudasai! ». Merci encore d’avoir été présents lors de cette belle soirée.
Maître Maxime Delhomme, président de la Fédération Française d’Aikido Aikibudo et Affinitaire pendant 25 ans
Partageons un moment le merveilleux rire de Masamichi Noro. Des rires j’en ai entendu, mais le sien je ne l’oublie pas. C’était un rire d’épanouissement, de soulagement, comme une vague qui se débarrasse de son amertume en faisant jaillir une écume, une vague comme un rire a toujours une histoire. Celle à laquelle je pense est d’abord celle que ses enfants ont su reprendre, son Kinomichi.
Lorsqu’il a rejoint la fédération je l’avais remercié de venir avec cette création qui n’était en rien contraire à l’aïkido. Il était venu transmettre en France, quel aboutissement, là encore un épanouissement, une nouvelle fleur.
Aujourd’hui c’est autour de son fils que cela va continuer à grandir. Cela c’est l’écume au-dessus de la vague. Mais d’où venait cette vague ?
Le point de départ, le village natal, le Japon, tout ça, je le laisserai à d’autres même si j’ai quelques images en tête, je regarde le voyage, la maturation de la vague puisque tout s’est passé en bateau. Ecoutez bien gens d’aujourd’hui, six semaines de bateau et là encore au nom de toute la fratrie, grâce et élégance de Satchie qui a fait le voyage à l’envers en 42 jours et un film délicat, flux et le reflux de la vague, de l’histoire qui roule sur elle même, qui se nourrit d’elle-même pour éclater dans ce rire. Il paraît qu’il est arrivé assez fatigué à Marseille parce que c’est bien là que l’on arrivait autrefois, fatigué d’avoir dû faire tant de martiales démonstrations à tous les marins qui, on le sait, à part en Dieu, pour conjurer la mort, ne croient pas en grand-chose dans la vie.
Et pied à terre il a fallu encore en faire des démonstrations et des explications et des retournements et des esquives. Et après les mers que de routes. Il a bien fallu continuer à rire car tout n’était pas drôle, il y a même eu des moments où il n’y avait plus que le rire. Ne faisons pas dans la facilité de dire que du rebond on touche le ciel. Mais regardez, écoutez, pas plus la danse que le rire ne se sont éteints. Et c’est un bel héritage que vous savez faire vivre.
Alors rions.
Georges Lamarque shihan, doyen des Instructeurs auprès de Maître Noro
… A NORO SENSEI
Invité, aujourd’hui, par Takeharu Noro à cette cérémonie du souvenir, je confie au vent du printemps quelques mots comme ceux contenus dans le Tao et qui se dispersent aussitôt prononcés pour nous rappeler la non-existence de ce que nous avons cru acquis.
Cette fragilité des choses de la vie, vous en étiez si imprégné que cette conviction se manifestait dans vos gestes et dans votre parole, toujours revigorante. C’est, tout de suite, ce que j’ai ressenti en vous voyant la première fois.
La base de votre enseignement a été, pour moi, synonyme de dérision qui constitue précisément la face peu identifiée du Taoïsme : Lorsque l’on croit avoir atteint le but, ce n’est plus le but ! L’adhésion à cette philosophie vous a conduit à devenir celui qui a su transmettre la vérité de O Sensei Ueshiba portant sur le sens exact des arts de la guerre.
A partir de l’enseignement reçu de ce très grand Maître, vous avez été le plus jeune à proclamer le désir de paix d’un peuple qui avait connu le pire. Grâce à la création du Kinomichi vous avez apporté au monde des arts martiaux les éléments indispensables pour amener les pratiquants à accepter le caractère de leur époque qui est celui de la paix.
Comment vous montrer notre reconnaissance alors même qu’un simple merci parait dépassé ?… A cette question la réponse est simple et vous nous l’avez fournie vous-même par la valeur de votre engagement : Faisons Kinomichi !…
C’est ce que je fais au moment de co-signer cet hommage : Simone et Georges Lamarque, pour honorer la mémoire de celle qui m’a accompagné sur votre voie durant plus de trente ans et qui aurait eu sa place auprès de moi en ce jour sacré.
Pour sauver notre espèce
Il faut donner aux devoirs plus d’importance que celle que l’on accorde aux droits.
Que celui qui veut aimé,
Se préoccupe d’abord d’être aimable,
Et celui qui prétend au respect,
D’être d’abord respectable…
Georges Lamarque







